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Killer Queen

  Et d’un coup, ils se sont mis au garde à vous. Soldats fiables, qui ne tremblent pas quand il faut se dresser. Je les ai senti les u...

samedi 3 novembre 2018

Killer Queen

 

Et d’un coup, ils se sont mis au garde à vous.
Soldats fiables, qui ne tremblent pas quand il faut se dresser.
Je les ai senti les uns après les autres, de mon poignet au coude. S’élever. Défier la gravité.
Ils se sont tous éveillés quand l’émotion a claironné. Ils étaient prêts. Il ne leur a fallu que quelques minutes. Ma nuque n’était pas en reste. Le frisson s’est propagé. Délicieusement, de la naissance de mes cheveux en suivant ma colonne vertébrale pour s’éteindre dans le creux de mes reins.



Un plan serré. On le suit. Il se prépare, se lève, prend son café, enjambe ses chats, enfile ses lunettes d’aviateur. Il sort. Mes poils n’ont fait qu’un tour. Mon sang lui s’est figé. Et je crois bien avoir retenu mon souffle tout du long.

Freddy. Mercury.

Aujourd’hui j’ai vu Bohemian Rhapsody et comme toute midinette qui se respecte j’ai été conquise. Comment ne pas l’être ?

Oui bien sûr, la coupe de cheveux. Les dents. Ces dents. Mais ce sourire ! Ce charisme…

Rami Malek a abandonné sa tenue de geek autiste pour emprunter celle de l’entertainer le plus connu de la fin du XXème siècle.
 Il est magistral. Touchant, pathétique, brillant, drôle. Il est Freddy Mercury.

Alors ce film a des défauts. Sûrement. C’est linéaire, on suit le parcours du chanteur de Queen, ses débuts, ses dérapages, sa consécration. C'est cousu de fil doré, pailleté.

Allen Leech est fade et ne m’a pas convaincu.

Mais si on arrête deux minutes de nous prendre pour des pro de la post production. Si on accepte les règles et qu’on suit le rythme… Regardez-moi dans les yeux et dites-moi que vous n’avez rien ressenti ? Que vous n’avez pas ri quand le coq a lancé son Galileo ?
Que vous n’avez pas frémi quand il a écrit Bohemian Rhapsody ? Que nous n’avez pas senti vos yeux humides en voyant cette foule démesurée pendue à ses lèvres, à son déhanché, à sa stature désormais légendaire. Le point levé, Freddy Mercury a défié la société, sa famille, son éducation.
Laissez vos préjugés, vos critiques à l'entrée. On est entre nous. Ce groupe, c'était une révolution. Ce type, c'était une bombe. Sexy à souhait, beau imparfait, une voix à se damner, une sensibilité qui se fragilise, qui nous fait respirer. Et cette audace. Insolente.

Il s’est laissé exister. Démesurément. Il en est mort, d'ailleurs.

Est-ce que comme moi vous vous êtes sentis petits, minuscules, négligeables ?  C’est un génie. Au présent. Car il continue de m’émerveiller et de me faire soupirer. Il ne connaît pas de concurrence. Qui aujourd'hui se permet de telles irrévérences ? Citez-moi un seul mec qui pourrait porter un débardeur sans se couvrir de ridicule ?

Vous rendez-vous compte que ce type mal peigné qui aurait dû consulter un orthodontiste avant la puberté a écrit les plus grands tubes des années 70 et 80 ? Que ces mêmes tubes continuent à être entonnés chaque soir dans bon nombre de bars de par le monde. Que les nouvelles générations l’ont adopté comme un des leurs, qu’il a traversé le temps, les modes. Qu’il a su rallier à sa cause à peu  près tout le monde qui avait une radio ? Rocker et diva, sensible et déjanté.
God... que j’aurais aimé vivre un concert de Queen.

Et je n'étais pas la seule midinette dans la salle. Cinéma parisien, salle immense et pleine à craquer. Les lumières à peine éteintes, on pouvait presque toucher l'électricité dans l'air. Oh oui... nous étions prêts à ne pas voir le temps passer, et à sourire, ressentir, pleurer. Nous étions prêts.
Comme un seul homme, un seul cœur, nous avons ri ensemble, nous nous sommes tus d'émotion ensemble. Et quand le générique de fin a sonné le glas de ce surplus de vie, ils ont été si nombreux à applaudir, à remercier.

Moi je ne sais pas vous, mais c'est pour ça que j'aime le cinéma. Pour vivre par procuration, pour ressentir plus fort ce que la vie me donne avec trop de parcimonie. Pour m'oublier et me souvenir qui je suis ensuite. Souvent comme une gifle. Une piqûre de rappel.
Et la possibilité de changer de perspective.

Moi non plus je ne veux pas mourir. Mais parfois moi aussi j'aurais préféré de ne pas naître du tout.
Mais qu'il aurait été dommage de ne pas avoir la chance de vibrer comme ça. Finalement, n'est-ce pas l'unique leçon : la vie ça ne se réfléchit pas, ça se vit. Point. Parce qu'après, c'est fini.
On n'est pas obligé de la brûler par les deux bouts. Mais on se doit de ne pas oublier qu'on n'est pas là pour attendre, pour observer. On se doit d'expérimenter et de mettre à mal nos sens, notre cœur. Aimons, bordel. Et chantons. Pleurons. Dansons. Ramassons-nous. N'oublions pas les erreurs. Ni de nous remettre en selle.
Ignorez le monde. Soyez le monde.


mardi 5 juin 2018

Jeu, set et match

Et c'est reparti.
Ballotées dans notre cylindre en plastique. Encore une fois.
Tu vas voir qu'on va encore être de service aujourd'hui. D'ailleurs je n'ai pas la moindre idée du jour qu'on est. Ni quel mois.
Avec les copines, on a fini par perdre le compte. On a aussi arrêté d'échanger. On se cantonne à être cognées l'une contre l'autre, contre l'autre, contre l'autre. A nous effleurer de nos poils jaunes color block.
On suit le mouvement, pas le choix.

Ha. On dirait qu'on ouvre le sac. Ouh ça éblouit ça ! Doucement mec ! On est des petites choses fragiles nous... Tu préfères qu'on y voit clair avant qu'on s'élance ou qu'on soit aveugles. T'imagines ? Paf dans la tête de Nelson ! Haha. J'adore me faire ce film. Je le reconnais, j'ai des pensées pécheresses parfois.

Oh mais attends voir. On n'est pas à l'entrainement là. Je ne reconnais pas le ciel, et je ne vois pas la haie habituelle. Des gradins, et encore des gradins.
Bon Dieu on est où cette fois...
Non... ne me dites pas qu'on y est ? C'est déjà la nouvelle édition ?!
Dire que l'année dernière j'ai attendu tout le tournoi qu'on vienne me chercher. En vain. J'avais été oubliée au fond d'un sac de sport avec les potes.
Mais on dirait que cette année, on va goûter l'air du Chatrier.

Ça y est, je commence à ventiler.

Je suis partagée entre l'excitation et la crainte. Qui va me toucher ? Me soupeser ? M'apprécier ou me recaler en me balançant sans état d'âme à un ramasseur de fond de court ?
Qui va me serrer fort en priant et en me communiquant toute sa force, sa détermination ? Et parfois sa rage ?
Avec qui vais-je faire équipe ?

Déjà les noms défilent dans ma caboche jaune poussin. Novak ? Rafa ? Gaël ? Lucas ? Kei ? Fabio ? Dominic ? John ?
Entre nous j'ai mes préférences.
Ce n'est pas très fair play mais ne soyons pas hypocrites, on a toutes notre chouchou.
Je me souviens ce 29 Janvier, en 2017. Quand on a gagné avec Roger. C'était moi. A l'époque je n'avais pas voulu en faire des caisses. Je démarrais dans le métier, la concurrence était rude. J'avais failli être recalée à la sélection à cause d'une blondinette à peine plus neuve que moi.
Finalement Blondie était restée au fond de la poche du short et il m'avait brandie. Déjà je le savais. C'était mon moment. Et c'était mon premier. On n'oublie jamais sa première fois.

Depuis j'ai pas mal voyagé. J'ai fait quelques entraînements. Mais globalement j'ai passé mon temps à ruminer ma victoire dans ma boîte. J'étouffais. J'ai encore tant de choses à donner.

Alors là imaginez un peu...
Je vais jouer à Roland Garros.
The tournoi.
J'ai toujours eu un faible pour les grands chelems. Enfin de ce que j'ai pu entendre, on a plus de chances de participer. Plus de joueurs, plus de munitions. On ne m'avait pas menti.
Nous y voilà.

Et visiblement je ne suis pas seule. Les gradins se sont remplis - ce n'est pas le célèbre court, je suis déçue. J'ai à peine eu le temps de vérifier mon apparence que déjà je suis happée par une main. Ni une ni deux, je suis propulsée. Je fends l'air parisien pour atterrir dans une main d'homme. Pas de doute. J'ai affaire à un mâle. Il me soupèse. Il me tâte. Je n'aime pas trop ce contact un peu vicieux. Et puis il ne me regarde pas. Il me juge et finit par se décider.

Je vais donc lancer ce 3ème tour.

Je ne sais toujours pas à qui je dois cette mise en lumière et déjà je m'envole, je flirte avec le zénith et me prends un prodigieux coup de cordes tendues. Le son est mat et je frôle la perte de conscience. J'atterris en face et juste avant d'être renvoyée, j'entre-aperçois le grand malade qui m'a bousculé. J'en étais sûre. Il n'y a qu'un espagnol pour donner le ton de la sorte. Fernando mon ami, il va falloir te détendre.
Je m'accroche et tiens le cap malgré tout. A tel point que je vais revenir souvent pendant ce match. Je ne le clôture pas mais j'en suis bien aise. Les boulets de canon : très peu pour moi !
Fernando remporte cette rencontre, mais je ne le félicite pas.
De toutes façons je suis déjà ramassée et rangée dans une boîte, une nouvelle. Je ne connais pas mes voisines. Elles ont l'air aussi hébété que moi. Pourvu qu'on nous laisse nous reposer avant de nous ressortir.
Et pitié, donnez-nous un joueur délicat.
Je sais bien que mon Roger n'est pas là. Mais il reste quelques gentlemen, j'en suis sûre.

La nuit revient sur ma fourrure et me permet de débrieffer. Je n'étais pas mal mais il faut absolument que je perde cette tendance au faux rebond. C'est plus fort que moi, je suis taquine. Mais je vais finir dans le filet un jour. Et ça, on le sait toutes, le filet c'est la retraite assurée.

Le temps ne passe pas. Je trépigne. Je suis à deux doigts de m'éjecter. Décidément mes collègues manquent de conversation. J'ai envie de rouler quelque part pour voir ce qu'il se passe en coulisses.
Ha ben je crois que j'ai été entendue ! Nous revoilà soulevées de terre.
J'entends une clameur inattendue. On nous pose sur une chaise et on nous libère. Suzanne-Lenglen, nous voilà !

Je suis toujours dans le sac mais j'entends que le match a commencé. Ça sonne pas mal, un peu hésitant. Ça râle pas mal aussi. Tiens ça râle en français. Remarquez, je n'en attends pas moins d'eux.
Je m'endors un peu, pis j'ai froid. Le temps se gâte et les premières gouttes tombent. A tous les coups je vais finir aux vestiaires sans avoir foulé la terre battue. Ça m'évitera de me salir. Je préfère rester impeccable, histoire d'être toujours prête.
Ha ben tiens, qu'est-ce que je disais : il pleut, match interrompu. De ce que je comprends, ça tombe plutôt bien. Le français a une sale mine, on dirait bien... ha mais oui. Il vomit. Pauvre chaton. Jouer dans cet état...
Bon ben on verra bien demain s'il est sur pied.

Quoi déjà ? Ha mais je faisais un rêve génial avec... oui bon ok ok doucement ! Ha oui carrément je n'ai même pas le temps de me repeigner que tu m'entraînes sur le court. Vas-y fais voir ta frimousse qu'on rigole.
Bon. Ça n'a pas l'air mieux mon Gaël... Tu as les mains moites. Si on pouvait faire ça vite ça m'arrangerait. Allez écoute, on fait ce qu'on peut d'accord ? Une balle après l'autre. Toi et moi. Un bon petit ace et on n'en parle plus.
Bon ok. Un premier service raté ça marche aussi.
Je suis encore là. Dans ta main.
Je sens que tu vas tergiverser toi... Voilà un truc qui m'exaspère. Tu réfléchis mais tu le fais mal. Tu me regardes sans me voir. Tu penses que me faire rebondir va faire basculer la tendance. Tu uses juste mes nerfs, mec. Lâche-toi.
Allez. On se lance. Je te jure que - cette fois - je le passe le filet.

Et je le passe.
Mais en face, le belge ne manque pas de répartie.
Ça se bagarre gentiment, même un moment j'y ai cru. Pas longtemps. Mais assez pour vibrer.

Puis tu m'as renvoyé au ramasseur, drôlement gentil ce petit gars. Il m'a gardé précieusement dans sa mimine avant de me ranger délicatement dans ma nouvelle maison. Je l'aime bien lui.

Bon enfin moi qui rêvais de faire mes premiers pas sur le Chatrier dans les mains du fabuleux Nadal...
Je sais bien que je devrais m'estimer heureuse. Faire Roland Garros, c'est un rêve inaccessible pour quasiment toutes les collègues. Même une fois qu'on nous a tatoué pour l'occasion, qu'on arbore fièrement nos nouvelles initiales, on n'est pas assuré de faire mouche. Encore moins smash.

Je tourne en rond. Je fais mes estimations. Peut être que demain je serai dans des mains manucurées. Je n'ai pas l'habitude de jouer entre femmes. Etonnamment j'ai toujours préféré la compagnie des hommes.

Revoilà les cris et les olas. Je sens qu'on est attendu. Inexplicablement je sens monter en moi une certaine appréhension. La fermeture éclair s'ouvre, je suis éblouie par le soleil. Dans l'intervalle je vois Fernando et je découvre que je connais plein de prières. Alors je les psalmodie avec toute la ferveur du condamné à mort. Mais mon heure n'a pas encore sonné apparemment car je suis soigneusement triée et élue.

J'atterris dans un short. Je ne sais pas chez qui mais je suis bien. Et j'y reste un moment. Apparemment le public aime mon actuel propriétaire. Du coup moi aussi. Je patiente, bercée par ces aller-retours incessants. Il a de grandes jambes celui-là et il sait s'en servir.
Je suis presque émoustillée.
C'est gênant, ce n'est pas le moment.
Allez allez on reste concentrée.
Si mes calculs sont bons, on est en 8ème de finale, ce n'est pas le moment de faire son français (pardon pour eux).

Finalement il me prend. Il est ferme mais ne manque pas de douceur. Je sens qu'il va savoir me parler. On ne m'a jamais envoyé en l'air avec autant de doigté. J'exulte au moment où sa raquette m'envoie titiller l'espagnol. Ça va me donner le recul nécessaire pour... mais c'est Novak !
Je joue avec le serbe !
Je pourrai mourir je crois.
J'étais sûre qu'il me plairait. Je vais m'appliquer tu vas voir, Novak. Tu vas être fière de moi, tu ne pourras plus te passer de moi. Laisse-moi juste te faire gagner et à nous deux le saladier !

(et on a gagné)

vendredi 14 juillet 2017

On the milky road. Again.




Emir.
L'homme qui a pris au pied de la lettre celles de son nom, et en a fait sa ligne de vie. Sa lignée. Sans jamais s'aligner.
Emir Kusturica. On ne sait jamais comment se prononce ce -ca : -za ? - tsa ? - cha ? - tcha ? -ka ?
On s'en fiche aussi.
Emir ça se vit. Ça se ressent. Ça écorche et ça s'écorche. Et puis il reste la vodka pour oublier les accrochages.



Je viens donc de voir "On the milky road". Forcément.
Oui "forcément".  Parce que je voue un culte sans fin à la musique balkanique et à cet homme volcanique. Qui m'a hurlé un jour dans l'oreille (gauche) pour dire à son Stribor de fils qui était pourtant à bâbord que la dinde was in a wrong position.
La dinde.
Au mauvais endroit.

Emir et son mètre 90 au moins. Et son ventre. Et sa chemise déboutonnée dans le sens inverse de celui qu'on attendait.
Emir Kusturica.
L'homme qui m'a fait prendre conscience de la profondeur du mot émotion en ce mois de Juin 2007. 
Grâce à qui - en partie - je ne suis plus la femme que j'étais.

L'homme qui emmerde tout le monde.
Oui je me lâche. Parce que quand on s'appelle comme un roi du pétrole et qu'on remplace l'or noir par un mélange de larmes et d'amour, on emmerde le monde.
Certes, il pourrait juste le mépriser. Mais pourquoi perdre de l'énergie pour les petites émotions et les évènements insignifiants au point de ne même pas finir en souvenirs ?

Non. J'aime croire qu'Emir se fout pas mal du qu'en dira-t-on. Il se fout de sa mise comme de sa première chemise.

Emir a tout compris.
Cette fois il s'est hissé dans le rôle du bellâtre. Ne me demandez pas, je ne sais pas comment il a fait. Peut être que de s'enticher d'une Monica Belluci embellit n'importe qui.
Ça a bien marché avec Vincent Cassel après tout.



Il s'est donc glissé dans le rôle du jeune premier pas tout à fait périmé.
Comme un bon vin, affiné, il trimballe sa naïveté sur le dos de cette pauvre mule qui plie sous le poids de l'innocence. Kosta va tomber amoureux dans une poignée de minutes.
Ne riez pas : vous aussi.
Le temps de nous présenter le décor bruyant comme toujours : d'abord ce faucon pèlerin qui accompagnera le récit à tire d'ailes, puis ces oies qui vont s'égayer dans le sang d'un cochon fraîchement occis. Ces oies qui ne restent blanches pas plus d'une poignée de secondes. Et qui caquettent toute leur incompréhension.

Le travelling continue et tourne la tête. On prend un peu de hauteur, on vise une bâtisse non loin. Une maison de gare avec une horloge austro-hongroise capricieuse. Une horloge qui s'emballe et mord celui qui oserait penser pouvoir l'arrêter. Le Temps ne souffre aucun retard. Il n'est déjà plus.

Que de poésie dans les Balkans...
Que de poésie chez Emir...

Alors oui, ça crie, ça tire, ça casse des verres, ça se blesse et ça s'infecte.
Mais ça ne s'encombre pas du ménage. Le cybalum résonne et l'Amour s'invite. Alors certes Il se trompe, Il réunit ceux qui sont déjà promis ailleurs malgré eux.Mais moralité Il rend service en libérant les amants maudits de ces vœux non consentis. Et que vient faire la Morale ici bas d'ailleurs ?




Et voilà les pattes d'oies de Monica Belluci.
Et son sourire. Et ses yeux emplis de cet amour confiant.
Elle chante le serbe comme elle le faisait de l'italien et du français. Avec délicatesse. Elle a ce sérieux contagieux, celui qui refuse le compromis. Il n'est plus l'heure de plaisanter avec les choses sérieuses. Il n'est pas de jeu de l'amour et du hasard. Le Destin s'en est mêlé.
Emir est amoureux. Monica aussi. Nous aussi.
On sourit avec eux. On soupire aussi.
On pleure enfin. Car on est chez le Serbe. Alors on aura des morts, des larmes, des oies, de l'alcool frelaté, des bagarres d'ivrognes, des femmes dans toute leur sensualité, des machos réduits à se prosterner.
Et de la vie. En veux-tu en voilà.
De la vie. A en crever.
De la vie car quoi faire d'autre en attendant la mort ? Il faut vivre, vivre, vivre encore.

Ça, Emir le sait. Lui que je soupçonne d'avoir plusieurs vies tout comme il a plusieurs visages. Ce chat blanc, ou noir, ça dépend du sens de la pluie et de l'horloge. Ça dépend de la longueur de la barbe et de votre capacité à vous émerveiller.



On the milky road.
Où les serpents se saoulent de lait frais.
Où l'on aspire les oeufs frais et les verres de Raki au même rythme. Où la musique jamais ne s'arrête. Pour couvrir les cris, et les bombes. Pour tromper l'ennui et l'ennemi.
Le film d'une fuite qui se prend les pieds dans une robe de mariée.
Qui parfois use de la magie qui avait déjà si bien marché au temps des gitans. S'envoler.
Taquiner le pèlerin qui veille au grain et fait la pluie et le beau temps. Littéralement.

Emir. Kusturica. Tu m'as donné un supplément de vie.
Forcément : merci.







mardi 27 juin 2017

J-100 : Seratus hari lagi.

J'imagine que préparer un voyage doit s'apparenter ("apparenter" - verbe du 1er groupe - terme employé pour - par exemple - expliquer poliment et sans sarcasme que Manuel Valls a quitté le PS pour s'acoquiner avec les Marcheurs d'Emmanuel) à la préparation d'un film.

Je vous dis ça... je ne fais pas de films.

Enfin je "me" fais des films mais quelque chose me dit que c'est sensiblement différent.

Mais j'ai le sentiment qu'il doit y avoir des similitudes ("similitude"... ouais non. Achetez-vous un dictionnaire) entre voir du pays et filmer une fiction.

On ne veut rien oublier, on veut que ce soit grandiose, on veut que ça reste gravé à jamais dans nos mémoires et nos coeurs, on veut frissonner, rire et pleurer, on veut être bouleversé, transcendé. On veut un planning fluide, des haltes paradisiaques et un toit (ou au moins un lit) tous les soirs.
On veut penser à tout avant de se lancer. On veut tout prévoir.

Au final, on oublie le dentifrice ou l'anti-moustique. On oublie qu'on n'a pas souscrit de forfait international. On oublie les égos des uns, des autres. La météo. Les grèves en France, les pannes ailleurs. Et notre film/voyage prendra une tournure... plus exotique.



J-100 avant mon décollage pour Bali.
Oui. J'y retourne. Je ne vous avais pas dit ? Ça m'étonne. Je suis en boucle.
Je mange, je dors, je bois, je respire indonésien depuis plusieurs mois.
Je compte. Les jours et mes sous.
Je m'interroge.
Où aller ? Combien de temps ? Comment y aller ? Est-ce que je veux rencontrer d'autres touristes ? Est-ce que je ne veux  pas plutôt m'incruster chez les locaux pour me faire adopter par une famille balinaise ? Est-ce que je vais vraiment essayer de leur parler en indonésien ? Est-ce que je vais oser ? Qu'est-ce que je fais de mon téléphone quand j'irai me baigner ? Et mon sac ? Et si je prenais un vélo pour rigoler ? Est-ce que c'est risqué si je veux donner une caresse à un chien tout moche ? Ça coûte combien de roupies de sillonner Bali avec un chauffeur privé ? Et comment elles font ces australiennes pour être aussi bien foutues en buvant autant de bières ? Et il est où le plus beau soleil couchant ? Est-ce que c'est vrai que si je bois du vinaigre avant de dormir, mon sang s'acidifie (je suis quasi sûre que ça se dit) et dégoûte le moustique gourmet ? Comment je fais pour choisir mon chauffeur/guide/francophone/futur prof d'indonésien maintenant que j'en ai contacté whatmille et qu'ils ont l'air tous aussi gentils les uns que les autres et qu'ils ont tous une famille à nourrir hein ? Comment je choisis à qui je dis non ? Est-ce que je ramène des petits souvenirs de Paris pour mes futurs amis que je ne manquerai pas de me faire ? (il est impossible que la poisse prenne l'avion avec moi) Est-ce que ça ne serait pas un peu présomptueux et colonialiste comme attitude ? Est-ce que je leur dis que selon mon arbre généalogique j'ai du sang hollandais qui coule dans mes veines (mais je ne sais pas quel bras) ? Est-ce que je prends une villa et je rayonne en partant de là ? Est-ce que je dois prévoir mon itinéraire ou je verrai sur place ? Est-ce que je vais réussir à écrire tous les jours pour raconter mon voyage ? Comment on dit "procrastiner" en indonésien ?

Je suis fatiguée. Je suis partagée. 100 jours c'est beaucoup. 100 jours ce n'est rien.
Je ne serai jamais prête. Et paradoxalement je ne veux rien préparer.

Je pars dans tous les sens. Je me perds sur le site Balisolo. Je plonge avec Villa-Bali. Je me projette. Je m'y vois. Je sens la caresse du soleil le matin tôt, j'entends les coqs, je vois les rizières en plissant les yeux, une brume de chaleur qui monte de la terre. Je sens l'odeur du kopi épicé et je salive d'avance. Tout à l'heure, je mangerai sûrement un pancake à la banane ou à l'ananas. Et je me promettrai de goûter l'autre demain. J'enfilerai un short par dessus mon bikini et je serai prête. Je suis déjà prête. Je suis super prête, assise à mon bureau ou caler dans mon canapé un peu raide. Prête à partir, prête à vivre.
Je sais déjà que ça va être un véritable crève-coeur de rentrer. C'est à dire que je ne suis pas encore partie mais je veux déjà y retourner.

Je n'aurais jamais le temps de tout voir. Les chutes d'eau, les rizières, la jungle, les temples, les villages reculés, les plages de rêve, les gens, les marchés.
Ici tout me pèse, ma routine, le métro, le boulot, les horaires. J'ai par contre une réserve d'énergie insoupçonnée pour l'île des Dieux. Tout vivre, tout goûter, tout ressentir, tout capturer avec mes yeux, avec mes mots. Tout graver à jamais dans le marbre de mon cerveau têtu.

Je veux que mon film soit mythique. Que mes acteurs soient parfaits. Je veux tenir le rôle principal, savoir aussi utiliser la lumière, choisir une bande son impeccable. Que mon histoire tienne la route. Et pourquoi pas... envisager une suite ?

Dites... c'est quand qu'on arrive ?





samedi 17 juin 2017

Je n'ai pas pris une ride.

Seule et désœuvrée en ce samedi soir (mais on pourrait être n'importe quel jour de la semaine remarquez), j'en étais à me chercher une occupation pour dénouer mon cerveau en boucle sur le thème maintes fois étudié : "Pourquoi cet énième prétendant a disparu avant même de me rencontrer ?"

Voilà 24h que je tourne le problème dans tous les sens, je ne vois pas.
A la rigueur, après m'avoir vu je ne dis pas... mais avant ?!

C'est à dire que j'ai tellement envoyé malgré moi de types dans le triangle des Bermudes que j'ai peur d'être recherchée par Interpol.

Bref.

Je zonais donc sur mon mac en attendant que se copie "Eat Pray Love" (ne me jugez pas) quand je suis retombée sur quelques bafouilles écrites l'année dernière et que j'avais honteusement gardées pour moi.

J'ai trouvé ça fascinant de voir que rien n'avait changé (et que tout avait continué - yeah yeah - avec juste quelques nouvelles lubies), que j'étais à la même place que l'année dernière, le muscat en moins... Tellement fascinant que j'ai voulu vous faire partager ça.
Sympa hein ?

Alors oui, entre fascinant et pathétique, mon cœur balance.
N'empêche, si je n'ai pas tenu mes promesses, Bali, elle, n'a pas à rougir.

Moi par contre si, donc je vous laisse avec le moi d'il y a un an et 5 jours.
Amusez-vous bien.
N'oubliez pas d'éteindre en partant.


Le 12 Juin 2016

Le cinéma me sauve la vie.
Mais genre souvent.

Là par exemple, je lui suis redevable de nous avoir hébergé, ma solitude et moi. Je ruminais depuis deux jours sur ces 182 contacts Facebook qui tenaient davantage du fantasme que d’une réalité avec qui j’aurais pu enchaîner les shots de téquila pour noyer ma vie et pour m’aider à patienter.
Qu’il m’arrive quelque chose.

Le cinéma donc, me sauve la vie régulièrement. Pompier, secouriste, barman. Appelez-le comme vous voulez, pour moi le cinéma, c’est Dieu.

Jusqu’au milieu de l’après-midi, j’allais encore m’en servir de palliatif. J’allais au cinéma pour remplir mon agenda. Pour me donner l’illusion d’avoir une vie bien remplie. Déjà, le cinéma (vas-y, on va lui mettre une majuscule pour la peine), le Cinéma donc, fait ça très bien. Bouche-trou je veux dire. Hop, je me sens seule, il est là. Avec ses fauteuils rembourrés et ses mastiqueurs de pop corn (j’y reviendrai). Il est là et il me permet de rêver.

Je vous vois venir mais je vous arrête tout de suite. Moi quand je vais au Cinéma c’est pour rêver de Moi. (oui, moi aussi, si je veux, j’ai une majuscule). Parce que souvent, j’arrive sans peine à me voir à a place de l’héroïne. Ou du héros. C’est mon côté androgyne. 
Et si je vous dis que le Cinéma, ce soir, m’a donné envie de rentrer, vite, pour ouvrir cette page et pour vous écrire en buvant ce que j’ai trouvé (du muscat donc), vous conviendrez qu’il la mérite sa majuscule. Même si dans un souci de crédibilité j’aurais préféré vous dire que je bois un whisky de 40 ans d’âge. Mais bon. Je n’arrive déjà pas à choper un quarantenaire, alors boire du whisky de luxe comme si je m’y connaissais hein…



Le premier qui pense le contraire peut directement aller à la case prison sans recevoir les 20 000 francs. Et évitez de passer sur ma Rue de la Paix quand je vous laisserai de nouveau jouer. Conseil d’amie.

Le Cinéma m’accueille, ne me juge pas. Il me redore mon blason. Il me regonfle l’ego. Je ressors systématiquement la tête haute. Le casque dans les oreilles, ma précieuse playlist qui me connaît si bien. Le regard lointain car déjà je ne vous vois plus, je suis loin. Dans cette vie qui m’attend. J’arrive.

Enfin si je trouve le chemin.
 Mais je le cherche.



Mais quand je vais dans la salle obscure c’est clairement pour trouver la Lumière. Et à part lors de quelques ratés (non je ne balancerai pas) (bon d’accord, mais on dit que vous avez insisté : Lolo, le Bon Dieu et une sombre comédie où s’est perdu Baptiste Lecaplain (coucou j’adore ce que tu fais !)), je la trouve. Et je suis éblouie. (Amen) Par tout ce que je peux faire encore. Finalement tu n’es pas finie Fanny (c’est rigolo non ?) Je peux encore changer de vie. Je peux tout faire. Et rien que cette perspective me sauve la vie.
 Et on est Dimanche soir et je n’ai pas mal au ventre. J’ai même oublié que demain j’avais école. Je m’en fiche. Ce soir, j’ai allumé mon mac pour ouvrir une page blanche avec l’envie de la noircir. Ou la faire rosir. De plaisir s’entend.





Tiens d’ailleurs. Dans ce film qui a mis le feu à mes poudres (aucune connotation ici), l’actrice pétillante du nom de Bedos (j’imagine comme son illustre père et comme son dégénéré de fr… pardon on me dit que je ne peux pas dire ça) jouit. Un jour, ou plutôt une fin de nuit, elle découvre le plaisir.
J’étais verte de jalousie. Enfin rouge sûrement. Mais vous voyez l’idée. 
Ça remonte à quand la fois où un type a su me procurer ça et me donner envie d’y croire aussi. Non parce que le sexe, c’est un tango, ça se joue à deux. Si je ne suis pas inspirée, je ne vais pas me fatiguée dans un combat perdu d’avance. Au contraire, je vais plutôt avoir tendance à accélérer le mouvement en gardant le sourire pour vite finir (je donne de ma personne sans rechigner mais mes heures de sommeil comptent beaucoup pour moi).  Et quand je dis finir, je parle de lui. Bonne pomme comme je suis, je donne même un coup de main. Enfin vous voyez l’idée.
Bref, elle, elle a joui et elle m’a donné l’impression qu’à partir de là, elle trouverait systématiquement le Graal à chaque cabriole.

C’est du Cinéma me direz-vous. Certes. En attendant, moi, le loup qui m’a fait crier, ça fait belle lurette qu’il s’est barré en forêt et je me sens comme une pauvre brebis mal b….. enfin pas b….. du tout d’ailleurs.

J’avais justement caressé (wait for it) l’idée (voilà, on se calme) d’arrêter toutes ces fadaises. J’ai tenu un grand moment. Plusieurs mois. Presque une année. Pis j’ai bêtement cédé à l’appel de la chair. Pour un grand moment de solitude à deux. Et quand je dis grand, je pèse mes mots. Beaucoup. Trop. Grand. (et non machin, je ne parle pas de toi).

Donc me voilà.

Ivre d’espoir, le cerveau en ébullition, l’envie de vivre qui me chatouille à nouveau. A la bonne heure. Et c’est là qu’intervient Elizabeth Gilbert. Qui déjà porte le prénom de ma mère et le prénom de mon grand-père. Bien ouej, meuf.
Et qui donc a écrit mon roman. Enfin non il s’agit du sien, mais quand je la lis, je m’entends. Je me vois. Je m’y vois.
 Ha cette faculté d’ubiquité, c’est grisant pas vrai.



N’empêche. Liz, tu l’as fait, saurais-je faire de même ? 

Il va me falloir un deuxième verre. Tiens je vais me prendre un petit muscat.

Parce que des projets j’en ai une bonne dizaine. Bien sûr je ne me raccroche qu’à ceux que j’ai avorté, avec plus ou moins de bon sens. Le public me remerciera sûrement d’avoir renoncé à une carrière dans la chanson mais quand même, j’aimais ça. La scène. Les lumières dans les yeux. Les applaudissements. Mes musiciens beaux comme des camions en costards. Et d’avoir le droit de porter un boa en plumes sans rougir.
Donc ça, c’est fait.


Barmaid c’était tentant, mais ça implique de ne pas trop boire pendant le service et de savoir servir des verres sans les casser. Je suis recalée direct avec de tels critères.

Comédienne.
 Pour ça il me faudrait un peu de talent et un charisme certain. Et sûr de lui. Pas du genre à s’éclipser au moindre regard. 

Non parce que je suis du genre à pleurer sincèrement si on me sort des compliments. Même s’ils sont faux. M’en fous. Ça marche quand même. Si je vous dis que je pleure en voyant gagner Djokovic, vous mesurerez combien d’amour j’ai besoin, et avec quelle facilité par procuration je vis. C’est déconcertant, je sais.

Mais pleurer, c’est vibrer. C’est que tout n’est pas mort. Que la vie est là. Et moi j’attends qu’il m’arrive quelque chose. Dévote. Je ne sais même pas écrire ce mot mais dans le contexte je trouvais qu’il fallait un mot un peu pieux (peu-pieux, huhu).



Ce soir le Cinéma m’a rempli. Et quand on rentre en chantant sur les Poppys, je pense que rien n’a changé et que tout peut continuer. Parfaitement.
 Et quand on couple l’ambiance sonore avec la dernière notification France Info, on se dit que : un, Obama finit son mandat dans la merde et que la dernière tuerie de Daesh va sûrement mettre un type qui s’appelle Donald sur le trône. Et deux, que rien rien n’a changé, tout, tout a continué. He ouais.

Et demain. Aurais-je toujours besoin de vous parler ? Le pouvoir du Lundi ne va-t-il pas annihiler à nouveau mes velléités d’écriture ? A vôtre place, j’aurais peur que je vous abandonne. Avec ma meilleure copine, Mauvaise Foi, vous pouvez être sûrs que je vous ferez avaler ça sans sourciller. J’ai toujours une bonne excuse.

Mais demain, on sera à J-18 Avant Bali. Avant un voyage dont je n’aurais jamais osé rêver. Et tant pis si je mets toujours mes voeux dans le même panier. Ce voyage changera ma vie. Il me le doit. On ne peut pas être à ce point fantasmé et attendu pour être décevant. No way.
Bali, si tu as su métamorphoser Liz (ne me spoilez pas, je ne suis qu’en Italie), tu peux bien m’apporter un petit quelque chose. Un truc qui me remettra les idées en place. Un souffle nouveau dans mes cheveux mal coupés. Une envie de tout envoyer valser, enfin. 
Bon, et si en prime, ça pouvait avoir des abdos pas dégeux, de beaux biceps pour me serrer fort et une voix grave pour apaiser mon coeur de chochotte. Ça serait chic.

C’est marrant de demander la lune quand on me connaît. Oui, bon. Si ça ne me rajeunit pas, vous non plus. Parce qu’il y a dix ans, nous étions jeunes, fous. Enfin surtout jeunes en fait. Et j’avais accolé son nom à mon nom. Mariage céleste d’une Fanny avec un Moon. 
C’est bien ma seule fierté : ne pas regretter cette époque. Parce que depuis, j’ai été plusieurs Fanny. Et ce n’est pas souvent glorieux.
Mais je ne regrette pas les nouveaux départs, les faux départs et les dérapages pas contrôlés. Une bonne fois pour toutes : non je n’ai pas mon permis. Il va vous falloir vous en remettre. Et non, je ne compte pas l’avoir. Jamais. Participez à ce polluant chahut, hautement dangereux, très peu pour moi.
Je vous rappelle que le Nord est toujours devant moi. C’est mon côté Perceval. Alors conduire ? Où ça ?

Vous avez saisi que j’étais paumée où il vous faut les sous-titres ?

Le truc ennuyeux (pour vous) dans tout ça c’est que je ne sais pas écrire autre chose qu’un journal intime que je laisserais ouvert (entendez par là que j’essaierai d’y paraître sous mon meilleur jour même si je vous accorderai quelques honteuses révélations). Parce que même si je changeais les noms, on sait bien qu’au fond, je ne parlerais que de Moi (et revoilà la majuscule).

M’aimerez-vous assez ? Et moi, est-ce que je m’aime assez pour me laisser faire ?
Ne vaut-il mieux pas une bonne petite censure et un nouveau projet ?

Le truc c’est que j’y reviens toujours. A la page blanche. Un peu comme une vague. Ou une envie de Mc Do. Ça revient sans crier gare. Mais ça revient.

Et on cède. Tous. Ne le niez pas.



vendredi 17 février 2017

Avis de recherche : Guillaume Canet.

Pas de mouvement brusque.
Pas de panique.
Mais on a perdu Guillaume Canet.

Ou alors on l'a retrouvé.

Non. Voilà. Je suis paumée moi.
Je n'arrive pas à savoir.
Est-il devenu complètement fou ou est-il finalement génial ?

Je viens de voir "Rock'n'Roll".
Et je...
Je vais essayer de vous raconter ce qu'il se passe. Mais je vais méchamment spoiler aussi.

Bon déjà l'affiche. Gribouillé au marqueur par un gamin de 7 ans, le titre : "Rock'nRoll". Bon. En arrière-plan, Papa - pardon Papy - Guillaume et Maman Marion.
Ok.
Bon.








Film qui sort de la maison, mon professionnalisme  (ma curiosité) et ma loyauté (toujours ma curiosité puis une pointe de "je n'ai rien de mieux à faire ce Vendredi soir") m'ont entraîné au MK2. Là, une foule - du genre compacte - se presse aux deux malheureuses machines en état de marche. A ce niveau, à part mon désœuvrement, je ne sais pas ce qui m'a fait rester.
Je n'ai aucun plaisir à être bousculée par les parisiens. Aucun confort à piétiner. Je reste parce que je suis là. Et que je n'ai pas très envie de retrouver le métro.

Nous y voilà donc. Salle immense, remplie au tiers. Ça commence bien. Alors que je suis sûre que "La La Land" fait toujours salle comble. Et sans moi !

Mais le film commence et on se retrouve avec Guillaume Canet. Qui joue Guillaume Canet. Enfin qui n'a pas l'air de jouer d'ailleurs. C'est Guillaume Canet quoi.
Il tourne un film.
Apparemment notre génie aime les mises en abîme. D'ailleurs, question abîme, il y va tout droit. Brave gars quand même...

Je vous la fais courte (si si je suis cap') : Guillaume tourne avec une blondinette qui a l'âge d'être sa fille. Elle joue d'ailleurs sa fille dans le film du film. Vous suivez ?
Au bout de quelques jours de tournage idylliques, une journaliste se pointe pour interviewer les deux têtes d'affiches. Et là. Le monde de Guillaume s'écroule : il est devenu vieux. Il ne l'a pas vu venir. On lui reproche à demi-mots qu'il n'est pas "rock'n'roll".

Tout s'explique.

Guillaume rentre tout penaud à la maison, sous le choc, et retrouve Marion et fiston.
Bon alors là arrêtons-nous un instant : si elle ne sait pas mourir, c'est qu'elle a un potentiel comique de dingue, la môme. Elle vient d'apprendre qu'elle est retenue pour le prochain Nolan (mise en abîme je vous dis) et a décidé de s'entraîner à parler avec l'accent et les expressions québecois. Genre tout le temps.
Alors mise à part cette direction cocasse, c'est tout de même un peu gênant, parce que bon... ben on est chez les Canet-Cotillard. Chez eux. Dans leur chambre. Et niveau voyeurisme ça se pose là.



Guillaume flippe la race sa grand-mère car sa femme (superbe, lumineuse, douce) a le vent en poupe et lui a le corps qui le trahit, des cheveux grisonnants, des bras ridicules et un problème de testicule. Gauche.

Ou droit.

On s'en fout.

C'est le début d'une descente aux enfers. Et il va nous faire assister à toutes les étapes. Sans compromis. Sans hypocrisie Et avec une autodérision qui frôle la folie.

Il va commencer par vouloir se remettre en selle, revoir les copains (coucou Gilles Lelouche, va falloir se mettre au régime vieux !), sortir faire la bringue (oui il parle comme ça Guillaume). Et ça va mal finir. Sur YouTube.
Il va vouloir décrocher le rôle d'un jeune premier et va se ridiculiser.
Il va voir Pierre Niney récupérer le César à sa place.
Il va finir par devenir odieux sur le plateau et se faire virer du film après un esclandre super gênant.
Il va même se taper l'incruste chez l'ancêtre du rock'n'roll, chez Johnny himself.(là on ne sait plus vraiment si le vieux rocker nous fait rire avec lui ou à ses dépens, mais on se marre).

C'est le moment pour la prise de conscience.
Mais alors qu'on lui souhaite de se ressaisir, Guillaume prend une décision pathétique.
Et j'ai une pensée émue pour tous ceux qui ont dû subir la vision d'une telle déchéance de leurs proches. Guillaume Canet va se faire lifter.

...

Au début c'est discret. Des pommettes à peine rehaussées, des yeux reposés. Il a l'air en forme, rajeuni.
Mais tandis que Marion est chez nos cousins outre-Atlantique, il plonge. Il se fait repulper les lèvres.

C'est... c'est ? What the fuck man ?!

Il se refait virer du film. Il est méconnaissable.
Puis il va se faire remonter les bretelles par les boss, les Attal - l'un des deux est vraiment producteur de son état. Yvan Attal - qui est là parce que tout de même avec un nom pareil ça aurait été dommage de laisser de côté - est parfaitement consterné par son ami et on le comprend.
Il aurait aussi besoin de se laver les cheveux mais je me suis déjà tellement moquée de Benjamin Biolay que je n'ai plus aucune munition pour lui.

Bref. Guillaume dégringole. Et ce n'est que le début. Pas du film entendons-nous bien (heureusement remarquez).

Marion passe en coup de vent, constate l'étendue des dégâts et lui somme d'arrêter fissa sa crise de la quarantaine car sinon elle le quitte.

Ouais ouais. Marion quitterait Guillaume s'il continue à vouloir ressembler (attention je vais lâcher le mot qui me brûle les lèvres depuis deux heures) aux Bogdanov.

Bon ben elle va donc le quitter car notre taré de Guillaume a continué à se métamorphoser en un truc qui ressemble très vaguement et de dos à celui qu'on connaissait, puis il va se mettre à la muscu. Très sérieusement.
Les kiosques sont placardés d'affiches annonçant le célibat de Marion.
Guillaume Canet gonfle.
C'est effrayant.
Et un poil excitant quand Marion croise le père de son fils et qu'au détour d'un changement de pull elle aperçoit les abdos et tout plein d'autres muscles qui se trouvent ici.

Le ralenti, la musique débile (on parle de la B.O de la Boom 2 quand même), le mordillement de lèvres, le gros plan sur les yeux qui se rétrécissent pour évaluer l'autre... tout y est. C'est kitsch. C'est génial. C'est débile, profondément débile.

Une nuit, Marion en larmes et sans accent lui demande de venir la consoler. Elle vient d'apprendre que Léa Seydoux lui avait volé un rôle qu'elle rêvait d'interpréter car elle était désormais... trop vieille...

Bon vous voyez où je veux en venir ?

Ben voilà. Guillaume est appelé aux States pour tourner dans une série, pour jouer un ranger affublé d'un crocodile (d'un crocodile oui, vous avez bien lu). Il a les cheveux longs, blonds, il ne ressemble plus à rien. Il est un autre. Marion finira par l'y rejoindre, éperdue d'amour qu'elle est. Et rejoindra tout naturellement le casting du soap. Siliconée.

Folie ou génie ?
Ok il y a des longueurs.
Mais tout de même, c'est juste touchant, cet acteur - cet homme - qui refuse l'inévitable et essaie de déjouer la mort.
Et c'était risqué et un peu culotté de se montrer sous un jour si pathétique au monde. Il est tellement naturel, tellement lui-même j'imagine. C'est un peu comme si il nous prenait à part et nous racontait sa plus grand peur : qu'il vieillisse et qu'on ne l'aime plus.

Voyons Guillaume... dois-je te rappeler (je cherche)... "Ne le dis à personne" ? "Joyeux Noël" ? et sûrement plein d'autres films où tu étaient très bien. Enfin pas tous hein. Mais tout de même.

Puis ton film nous a fait rire. Car la salle a ri. Bien plus que moi certes (ou pas aux mêmes moments disons). Mais pari réussi. C'est déjanté. C'est loufoque.


Si jamais tu en doutais, avec ce dernier film, pas de doute, rock'n'roll, tu l'es.
Limite un peu trop.








dimanche 5 février 2017

La La Land. Expatrions-nous maintenant.



Mais oui.
Je suis bien en train de danser.
Là.
Sous la canopée, la tête levée vers le ciel bleu. Bleu.
Pendant un instant j’ai fait abstraction du monde. De la foule. Intensément dans l’émotion, rythmée par mes pas cadencés, je me suis mise à ébaucher quelques pas de danse. Sourde à la réalité. Je n’ai pas réalisé que j’allais être vue et jugée. Que j’allais passer pour une originale en manteau classique. Plus rien ne compte. La pluie n’existe plus. Le ciel est bleu.
Bleu.

Comme celui de la Californie en plein hiver au-dessus de l’autoroute congestionnée.
Mais qu’importe les embouteillages quand le soleil chasse la morosité du quotidien. Qu’importe le temps qui s’étire sur le bitume quand le coeur est plein de musique, de vie, d’amour. Que les yeux sont tournés vers le bleu.

Bleu.

Comme l’affiche de La La Land.
 Avec ou sans étoiles. Bleu. Nuit. Jour. Jour et nuit fredonnons encore. 
Une dernière danse. Un dernier soupir. Une larme égarée.
Quel beauté…
Quel film !

Je suis rentrée, la nuit tombait. La lune comme guide et soudain un projecteur m’aveugle ?!
Ah non, ce sont les lampadaires qui reprennent du service.

Question de point de vue. Je suis sortie du cinéma, je suis restée dans mon film personnel. Tous ces figurants qui jouent aux parisiens. Les trottoirs encore émus mais qui déjà laissent s’évaporer la dernière crise et se déroulent devant moi tel un tapis de festival. Le menton relevé, le cheveu ondulant. Je me sens bien. Gonflée d’énergie. 




Damien Chazelle est magique. Brillant. Déique.

Lui seul sait vous donner envie de chanter sous la pluie. Il vous file des frissons à vouloir vous pelotonner dans les bras de celui qui restera. En commençant par le reconnaître.

Lui seul me donne envie de voir son film en boucle. 
Il relooke les demoiselles de Rochefort, il remet la musique à sa juste place, sur le devant de la scène. Il vous fait aimer le plus insipide des acteurs. God que Ryan Gosling est charmant en homme normal. Enfin ! Je comprends mieux, enfin.

Il rehausse la couleur. Ses rouges rivalisent de bleus, de verts, de jaunes. Soleil. Une symétrie a faire pâlir Wes Anderson. Cramoisi de jalousie à n’en pas douter. 
Il redonne du goût au Cinéma. Il révèle la saveur de l’Amour magistral. Il redore le blason des histoires d’amour éternelles. Celles qui restent. Pour la postérité. Pour les jeunes enfants qui ont besoin de rêver. Pour les grands enfants qui rêvent plus fort encore.

J’ai envie d’apprendre les claquettes et d’apprendre à marcher sur des talons de 12. Je ne comprends pas que ma garde robe n’en compte pas une douzaine aux couleurs primaires. Ni comment j’ai pu avoir les yeux rivés sur les bassistes quand il y avait les pianistes. 



Loin d’être accablée par ma solitude, je suis persuadée que mon Sebastian est là. Dans la foule. Je suis prête à le trouver. Je suis là ne t’en fais pas.
Je virevolte dans ma tête. Car oui, dans mon imaginaire je maîtrise les pas, je ne piétine pas mon cavalier, mon sourire est Colgate et je fais tourner les têtes. Irrésistible.

Presque aussi touchante qu’Emma Stone, les yeux juste un peu moins infinis. Les pommettes un peu moins craquantes. La taille légèrement moins fine. Le timbre moins haut. 
Quelle créature délicieuse. Quelle actrice étonnante. Tellement touchante sous ses taches de rousseur. Je suis conquise.


Habituellement envieuse de l’héroïne qui repart au bras du beau gosse, je n’envie pas Emma Stone, je ne la jalouse pas. Je suis heureuse pour elle, avec elle. Je suis malheureuse aussi. Et je me souhaite les mêmes émotions. Le même frisson. La même révélation. 
A moi l’évidence. La mienne.



Ryan et Emma sont magistraux. Deux grands acteurs qui n’auraient pas dépareillés à l’heure de l’âge d’or du cinéma. Complets. Acteurs, chanteurs, danseurs. Interprètes qui ne jouent plus. Qui réincarnent le Beau. Qui nécessitent des majuscules. Pour les élever, les rejoindre au firmament. En apesanteur.

Mia et Sebastian vont vous faire aimer. Vous aimer. Mieux. Ils vont vous donner envie de vivre. De chanter. Et d’ébaucher quelques pas de danse sous la canopée.